Madame Mo vous souhaite un automne en or
En ce beau mois d’octobre et pour mettre à l’honneur notre koinobori doré, nous vous proposons de partir dans un Japon doré … Pas l’or des ginkgos qui vont bientôt se parer de ce jaune puissant et envoûtant, mais celui qui brille et illumine de mille feux le Pavillon d’or, les statues des divinités bouddhistes et même les objets en laque, les textiles et les peintures. Tout cela grâce au talent des artistes japonais, mais également des artisans de la ville de Kanazawa qui perpétuent depuis des siècles la fabrication de feuilles d’or d’une finesse unique au monde.
Mais faisons un peu d’histoire. Le Japon est-il réellement le pays de l’or ?
C’est en tous cas une légende qui s’est répandue de l’Orient dès le huitième siècle (Chine, Mongolie) vers l’Occident, pour prendre forme sous la plume de Marco Polo dans Le devisement du monde en 1298 :
« En cette île, il y a de l’or en grande abondance, toutefois le roi ne permet pas facilement de le transporter hors du pays : ce qui est cause que bien peu de marchands fréquentent et trafiquent en cette province. Le roi a un palais somptueux et magnifique duquel la couverture est entièrement de lames d’or, [et] les grandes maisons seigneuriales sont couvertes de plomb ou de cuivre. Semblablement, les planchers des salles et chambres de ce palais sont lambrissés et couverts de lames d’or (dit-on). »
Mais s’il est vrai que des mines d’or ont été exploitées dans la province de Kai (actuellement Yamanashi) dès le huitième siècle, l’or servait surtout à financer les voyages des étudiants et des moines visitant la Chine et à commercer avec elle (d’où ce sentiment que les Japonais possédaient de grandes ressources en or).
Il servait également à recouvrir des statues ou plus rarement à orner les salles de temples (le Chuson-ji qui avait une salle dorée alimenta ce mythe de pièces totalement couvertes d’or) et de châteaux.
Si cette légende poussa l’empire mongol à tenter (sans succès) d’envahir le Japon, il n’y avait presque plus d’or lorsque les Portugais arrivèrent dans le pays au milieu du seizième siècle. Par contre il y avait beaucoup d’argent … Mais ceci est une autre histoire (et un autre koinobori chez Madame Mo !).
L’or et le bouddhisme
L’or fut utilisé, dès les premiers kilogrammes collectés, à recouvrir les statues bouddhistes. Ainsi à Nara, le grand bouddha de presque seize mètres de haut du Tôdai-ji fut recouvert intégralement d’or en 752, peu après la découverte des premiers gisements. Déjà imposant par sa taille, on imagine l’effet que tout cet or pouvait avoir sur les croyants venus prier !
L’or précieux, rare, mais également durable, fut utilisé dans l’architecture, la statuaire et les manuscrits bouddhiques. Il permettait d’incarner la lumière, l’atteinte de l’Éveil.
La triade d’Amida est un merveilleux exemple de l’or utilisé pour représenter la « lumière infinie » qu’incarne cette déesse. La lumière irradie de son corps délicatement drapé et la déesse se déplace vers les croyants, la main tendue pour les accueillir.
Une autre image s’impose lorsqu’on évoque les statues dorées du bouddhisme japonais, celle des mille et une statues de Kannon, sculptées dans le bois et recouvertes d’or, que l’on peut admirer au temple Sanjûsangen-dô de Kyôto. L’effet est saisissant !
Et puis il y a le plus célèbre de tous, le Pavillon d’Or ! Pourtant, ce temple n’en était pas un à l’origine. C’était la villa que se fit contstruire en 1397 le shôgun Yoshimitsu Ashikaga, trois ans après avoir abdiqué au profit de son fils. Il voulait en faire un lieu d’exception et y recevait des invités prestigieux. C’est à sa mort en 1408 que, conformément à son souhait, son fils en fait un temple zen de l’école Rinzai et le nomme Rokuon-ji. Classé trésor national dès 1897 et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1994, ce monument est aussi célèbre pour avoir été incendié par un moine en 1950 (et reconstruit en 1955), fait marquant qui a inspiré à Yukio Mishima son célèbre livre éponyme publié en 1956.
L’or et l’art
L’or ne s’est pas cantoné à la religion. Il est utilisé depuis des siècles pour élaborer de sublimes objets qui prenaient place dans les maisons des Japonais les plus fortunés.
On trouve ainsi dans les musées à travers le monde des objets parés d’or. Parfois celui-ci est juste saupoudré (technique maki-e), parfois il recouvre l’ensemble ou une grande partie du support.
Ce sont des objets du quotidien (boîtes, paravents, écritoires, vases, fourreaux de sabres etc.), ou des pièces pour des circonstances plus exceptionnelles (kimono de mariage, costume de Nô).
L’or peut même être utilisé pour sublimer la réparation d’une pièce de céramique cassée. Il est alors déposé sous forme de poudre sur la laque qui sert de colle. C’est l’art du Kintsugi que vous pouvez admirer en France par exemple à l’atelier Nagori Céramique (vous pouvez même vous initier à cet art grâce à des stages) :
https://www.nagoriceramique.fr/kintsugi/
Kanazawa et ses feuilles d’or
Toutes ces somptueuses créations ne seraient pas possibles sans un matériau de base d’une qualité exceptionnelle : des feuilles d’or d’un dix-millième de millimètre d’épaisseur fabriquées depuis des siècles dans la ville de Kanazawa.
Les artisans y ont mis au point des techniques permettant une finesse unique au monde, en particulier un papier washi spécial qui s’intercale entre les feuilles d’or et permet de les travailler et de les affiner au maximum sans les abîmer.
Si vous avez la chance d’aller découvrir la ville de Kanazawa, ne manquez pas son musée de la feuille d’or ainsi que les nombreux ateliers d’artisans. Vous pourrez dorer vous-même des objets (boîte, baguettes) lors d’ateliers organisés pour les touristes … et déguster une glace recouverte de feuilles d’or !
De l’or en livre …
Pour vous émerveiller un peu plus, rien de mieux que la lecture avec deux livres qui vous feront voyager dans un Japon doré.
Bien sûr il y a Le Pavillon d’Or de Mishima. Dans ce roman, Mizoguchi, un jeune novice, arrive au Pavillon d’Or (dont son père n’a cessé de vanter la beauté). Lui qui est bègue et se trouve laid côtoie le beau au quotidien. Ce Pavillon devient l’objet de son obsession, il veut en être le maître … ou le détruire. Ses rapports avec les humains qu’il fréquente sont compliqués. Il est tiraillé entre morale et penchants pervers, entre bien et mal, entre lumière dorée et ténèbres. L’amitié est difficile à faire naître et à conserver ! Des thèmes chers à Mishima qui font ici l’objet de brillantes analyses. Et comme toujours la plume de Mishima qui décrit les lieux et leur envoûtante beauté avec finesse et sensibilité.
Et les plus jeunes pourront partir à la découverte des fascinants poissons dorés qui nagent dans une crique sauvage de l’archipel dans un très bel album, Les Poissons dorés, paru aux éditions Akinomé. Des poissons qui se retrouvent bientôt menacés par la pêche intensive qui vide la crique et la transforme en poubelle. Il faudra la ténacité d’un pêcheur et de son fils pour que cet endroit retrouve sa splendeur et que les poissons dorés y reviennent en toute sérénité. Un beau conte écologique, avec en bonus des poissons à fabriquer dans du beau papier doré !
https://www.editions-akinome.com/produit/les-poissons-dores/
Après ce tour d’horizon, vous comprendrez que c’est tout naturellement que Madame Mo a décidé d’explorer et d’intégrer l’or dans ses créations. Bien entendu, le koinobori Doré est le koinobori mettant à l’honneur l’or, cependant d’autres koinobori comme le Paon et le Kimono Girl en sont également parés pour illuminer votre quotidien !
Et vous, à quoi pensez-vous en associant Or et Japon ?